New Office, Reflecting Accessibility, Sustainability, and Thoughtful Practice
Penser le droit requiert bien plus que l’application mécanique des règles juridiques.
Cela exige une architecture, des rapports internes, une ossature.
Cela suppose une cohérence logique, une forme intelligible.
Cela réclame un regard attentif, une perspective ouverte.
Et cela s’enracine dans le sens et le contexte.
De même qu’un théorème ne se comprend qu’en en démêlant les relations internes et les déductions,
et qu’une phrase ne se dévoile pleinement qu’à travers sa structure — et ses silences —,
de même, un dossier juridique ne se laisse pas réduire à un ensemble de règles :
il appelle une structure lisible, une pensée rigoureuse, une interprétation située, un regard d’ensemble.
NE PAS SE BORNER À “APPLIQUER LA BONNE LOI”
Méthodologie Pluridisciplinaire et Stratifiée
I. Introduction : Pourquoi l’application stricte de la loi ne suffit pas
Appliquer correctement le droit semble, à première vue, une entreprise simple : connaître la règle, l’appliquer.
Mais penser le droit requiert davantage. Il faut savoir :
ordonner la matière (comme en géométrie supérieure),
bâtir des raisonnements valides (comme en logique),
choisir le bon angle d’attaque (comme en optique),
et lire dans la langue ce qui est dit — et ce qui est tu (comme en linguistique).
Ce recours aux disciplines voisines n’est pas un luxe intellectuel :
elles nous apprennent à penser avec rigueur, à voir avec justesse.
De même qu’une démonstration mathématique n’est recevable que si les liens internes tiennent,
et qu’une phrase ne se donne qu’à travers sa syntaxe et ses creux,
un raisonnement juridique ne peut se contenter de l’empilement des normes :
Il requiert structure, cohérence, interprétation, perspective.
Penser le droit, c’est bâtir une architecture — et reconnaître l’instant précis où elle commence à se fissurer.
II. Le modèle du Penteract : penser le droit en cinq dimensions
Le Penteract est un cadre méthodologique conçu par Peeters Law pour penser le droit dans sa complexité systémique et stratifiée.
Il distingue cinq dimensions fondamentales qui, combinées, rendent visible la texture intégrale d’une situation juridique :
langage & culture juridique,
norme,
compétence,
matière,
stratégie.
Mais tout modèle, même le plus rigoureux, rencontre sa limite : un point de rupture.
L’instant où le droit, bien qu’appliqué à la lettre, se révèle impuissant.
Là où le système juridique s’autojustifie — au prix de la justice elle-même.
Alors le rôle du juriste bascule : il ne s’agit plus de raisonner plus loin,
mais d’interrompre le raisonnement. D’interroger la structure elle-même.
Par une question préjudicielle.
Par l’invocation d’un droit fondamental.
Ou par une intuition silencieuse : que se taire, parfois, en dit plus long que tout raisonnement prolongé.
Ce point de rupture, nous l’appelons la dimension Heyvaertienne —
du nom du juriste belge Fons Heyvaert, professeur, avocat, esprit libre,
pour qui disséquer, analyser et mettre à nu les structures du droit relevait d’une exigence intellectuelle fondamentale.
III. Non pas un algorithme, mais une boussole analytique
Le modèle du Penteract n’est ni une recette, ni un automatisme, ni une mécanique à produire des réponses.
Il n’offre aucune promesse de résultat. Il n’est pas un schéma à remplir, mais un engagement :
un engagement intellectuel envers la clarté de la pensée,
un pacte méthodologique au service de la justesse,
un outil mental pour traverser le labyrinthe du réel juridique.
Penser le droit, c’est refuser l’illusion de la linéarité.
C’est accepter l’opacité initiale, la complexité indomptée.
C’est élaborer des strates de signification,
tracer les lignes invisibles qui relient un fait à une norme, une norme à une culture, une culture à une stratégie.
Penser le droit à travers le Penteract, c’est admettre que le visible n’épuise pas le réel.
C’est donner forme à l’informe, sans le réduire.
C’est approcher la vérité non comme une conclusion, mais comme un mouvement, une ouverture, une tension portée par le doute.
IV. Penser au-delà de la 3D : le regard grand angle
La perception humaine se limite à trois dimensions.
Mais les configurations juridiques, elles, se déploient dans un espace mental plus vaste, plus profond — à cinq dimensions, au moins.
C’est pourquoi nous recourons à une lentille conceptuelle à grand angle.
Comme en photographie :
l’objectif grand angle élargit le champ de vision,
révèle les relations enfouies,
et accepte une certaine distorsion pour préserver l’ensemble,
de même, le modèle du Penteract :
dévoile non seulement la règle, mais les forces contraires qui l’habitent,
met au jour non seulement la clause, mais la culture juridique qui l’a engendrée,
ne se contente pas du résultat : il interroge le cadre interprétatif qui y mène.
Sans grand angle, pas de profondeur.
Sans perspective, pas de justesse.
Sans décentrement du regard, pas d’accès au sens.
Un objectif standard (50 mm) offre un champ restreint, centré, sécurisant.
Un grand angle (24 mm, parfois moins) élargit l’horizon, parfois jusqu’à l’extrême (fish-eye à 180°).
Il accepte l’ellipse, la déformation — non pour trahir le réel, mais pour mieux le rendre visible.
La lentille concentre la lumière d’une scène immense sur une surface finie.
Elle déforme ce qui est proche, mais elle révèle ce qui, sans elle, resterait hors champ.
De même, en droit, celui qui s’attarde exclusivement sur une dimension —
la norme seule, la compétence seule, ou le territoire seul —
risque de perdre la vision d’ensemble,
et avec elle, le sens même de ce qu’il prétend défendre.
Notre regard grand angle étire, déplie, expose.
Il altère la forme, mais il honore la vérité.
Il peut fléchir la géométrie, jamais l’éthique.
Il déplace les centres sans les nier.
Il rend à la complexité sa légitimité propre.
V. Pourquoi un modèle structuré est essentiel
Le droit n’est pas une mosaïque de règles isolées,
ni une juxtaposition de normes flottantes,
mais un tissu, un feuilleté, une trame de significations, de compétences, de hiérarchies normatives.
Il s’inscrit dans des couches multiples : nationales, européennes, internationales —
des couches qui se croisent, se frôlent, parfois s’opposent,
souvent sans s’annuler, jamais sans se transformer.
Dans un tel paysage, les raisonnements linéaires s’effondrent.
Le syllogisme classique s’essouffle.
La pensée univoque vacille.
Il faut alors un modèle.
Pas une machine,
mais une structure —
une architecture mentale capable d’accueillir la pluralité sans la dissoudre.
Le modèle du Penteract est cette structure :
un cadre stratifié, articulé en cinq dimensions —
auxquelles s’ajoute une sixième, celle qui murmure la fragilité du système,
celle qui le pousse jusqu’à ses confins,
celle qui ose dire : ici, le droit ne suffit plus.
VI. Inspiration : Walter van Gerven
Ce modèle entre en résonance avec les intuitions profondes du professeur Walter van Gerven,
qui voyait dans le droit européen une layered polity —
un ordre juridique feuilleté, dialogique,
où les sources nationales et supranationales s’entrelacent sans se confondre.
Contre les tentations du réductionnisme, il rappelait :
« La sécurité juridique ne doit jamais signifier la rigidité.
Plus le contexte est complexe, plus nous avons besoin de normes ouvertes,
d’interprétation structurée et de proportionnalité. »
Le Penteract prolonge cette exigence en l’opérationnalisant :
cinq dimensions — plus une —
une attention constante portée à la sémantique, au contexte, à la proportion.
Sa structure s’inspire de Van Gerven.
Mais sa forme et sa méthode — empruntées à la géométrie, à la physique, à la linguistique —
sont l’expression propre de Peeters Law.
VII. Les six dimensions du modèle du Penteract
Langage & Culture juridique
Contexte & Cadre factuel
Champ juridique applicable
Domaine matériel du droit
Fondements normatifs
La Ligne de rupture critique — Dimension Heyvaertienne
VIII. La pluridisciplinarité comme principe structurant
Penser le droit exige une porosité constante aux autres disciplines.
Non par éclectisme. Mais parce que le droit, pour se dire justement,
doit traverser les langages qui le précèdent, les structures qui le fondent, les mondes qu’il régule.
Il doit s’ouvrir :
à la linguistique — pour ses analyses de la signification, de l’usage, de la polysémie,
à la science politique et à l’économie — pour le contexte dans lequel il s’inscrit et agit,
au droit comparé — pour interroger ses évidences et puiser dans l’altérité,
à la théorie normative — pour rester habité par la question du juste.
Ainsi, les raisonnements juridiques que nous élaborons ne sont pas simplement formels,
ils sont :
intellectuellement solides,
contextuellement lucides,
et méthodologiquement responsables.
Chez Peeters Law, nous croyons que c’est là — et là seulement —
que le droit peut garder son sens social, sa fonction critique, sa portée symbolique.
Il ne s’agit pas d’ajouter des disciplines au droit comme on ajouterait des couleurs à une palette.
Il s’agit d’en reconnaître l’intrication constitutive :
le droit n’existe qu’en dialogue — avec la langue, le pouvoir, la norme, le monde.
IX. Pourquoi faisons-nous référence aux mathématiques, à la physique et à la linguistique ?
Parce que penser le droit suppose de savoir construire.
Or, nul ne structure plus rigoureusement que les mathématiques.
Parce que penser le droit suppose de raisonner avec justesse.
Or, nulle discipline n’enseigne mieux la validité que la logique formelle.
Parce que penser le droit, c’est aussi percevoir.
Et la physique — notamment l’optique — nous apprend que la perception est toujours située, toujours tributaire d’un angle, d’une lumière, d’une distance.
Parce que penser le droit, enfin, c’est donner sens.
Et seule la linguistique — dans sa triple dimension sémantique, pragmatique et grammaticale — dévoile comment le sens naît, se tisse, se déplace.
Ce n’est donc pas par goût de l’abstraction que nous convoquons ces disciplines.
Mais parce qu’elles éclairent ce que le droit contient d’invisible, de fragile, de dépendant du regard qui le forme.
Un mot — « raisonnablement » — peut-il être contraignant dans un contrat ?
La différence entre une menace, une promesse ou une simple constatation : où réside-t-elle, si ce n’est dans l’intention, dans le ton, dans le contexte d’énonciation ?
L’interprétation d’un texte juridique — par une juridiction ou par un ordre tout entier — dépend toujours, fondamentalement, de la langue dans laquelle il se déploie,
et de la culture juridique dans laquelle il est lu, entendu, appliqué.
X. Un exemple concret : l’affaire des freelances et des plateformes
Imaginons ceci : un collectif européen de travailleurs indépendants souhaite contester les clauses unilatérales imposées par une plateforme numérique.
Ils facturent via des intermédiaires,
sont soumis au droit anglais,
les conditions générales sont rédigées en anglais,
et la plateforme se réserve le droit d’apporter toute modification “raisonnable”.
Comment penser le droit dans ce contexte ?
Par la méthode du Penteract.
Par géométrie : en structurant le dossier en couches — droit applicable, compétence, rapport de marché, socle normatif.
Par logique : en construisant une chaîne de raisonnements cohérents à partir des faits.
Par optique : en adoptant le point de vue de l’utilisateur, du juge, du régulateur — chacun avec ses angles morts.
Par linguistique : en interrogeant ce que signifie, dans ce contexte plurilingue et plurijuridique, le mot “reasonably”.
En anglais d’Angleterre ? En droit belge ? En droit européen ? Dans l’usage technique des contrats de plateforme ?
Grâce à cette approche grand angle, les forces invisibles deviennent lisibles.
Et le bon cadre juridique — parfois dissimulé derrière une clause anodine — peut être activé.
Ce que le regard étroit néglige, la méthode le révèle.
Ce que la lecture littérale ignore, l’analyse stratifiée le met en lumière.
La vérité juridique n’est pas dans l’évidence immédiate.
Elle se découvre dans la tension des couches, dans la résistance des mots, dans le mouvement du sens.
XI. Nécessité d’une rigueur méthodologique
Le modèle du Penteract n’est pas un ornement stylistique.
Il n’est ni gadget conceptuel, ni exercice de forme.
Il est une exigence. Une rigueur. Une nécessité.
Il rend le droit visible, lisible, cohérent — dans des contextes où les repères se brouillent.
Il éclaire la structure sans jamais l’écraser.
Et surtout, il sait s’arrêter là où le droit atteint ses limites.
Car la vérité du droit n’est pas seulement dans son application.
Elle se loge aussi dans ce point d’interrogation, ce souffle suspendu,
ce moment où continuer à raisonner serait forcer le réel —
et où l’abstention devient forme supérieure de lucidité.
Cette rupture, loin d’être un échec, est le sommet du modèle.
C’est là qu’il révèle toute sa puissance :
non dans la maîtrise, mais dans la capacité à se taire.
Non dans l’accumulation, mais dans la clairvoyance du retrait.
🔹 Penser le droit en cinq (ou six) dimensions,
c’est lui offrir une lentille qui n’enferme pas, mais élargit.
Comme un objectif grand angle qui, en ouvrant la scène, dévoile les tensions cachées,
le Penteract fait surgir les contradictions que l’approche classique ignore.
Mais cette lentille déforme aussi.
Elle étire, infléchit, redistribue.
Elle ne trahit pas : elle interprète.
Elle n’égare pas : elle révèle.
🔹 Comme en physique, une déformation géométrique peut être choisie, maîtrisée, révélatrice.
Penser le droit, c’est parfois reconfigurer la perspective :
non pour tromper, mais pour rendre justice à l’ensemble.
La distorsion devient alors langage. Structure. Éthique.
Dès lors :
➤ Ce que nous faisons n’est jamais neutre.
➤ Mais cela reste — profondément — intègre.
Il y a dans cette méthode une forme d’intégrité intellectuelle :
celle qui rend visibles les choix,
qui nomme les tensions,
et qui ne laisse pas dans l’ombre ce que l’image étroite aurait effacé.
🔹 La projection que nous opérons n’est pas manipulation.
Elle est modélisation consciente,
comme une carte topographique déforme un relief pour mieux en rendre la lecture possible.
La forme diffère du réel, mais les rapports internes sont justes.
Et c’est cette justesse relationnelle qui permet au juriste de s’orienter dans la complexité,
sans la prétention d’un GPS,
mais avec la vigilance d’un explorateur.
Cette méthode est exigeante. Elle appelle transparence, lucidité, renoncement.
Elle suppose d’admettre que même le meilleur modèle ne suffit pas toujours.
Mais tant que cette limite est reconnue —
tant qu’on sait dire où le droit s’interrompt, où il devient silence —
la pratique juridique conserve sa légitimité profonde.
Non parce qu’elle résout tout,
mais parce qu’elle se laisse interroger.
Le Penteract ne s’arrête donc pas à la règle, à la procédure, ni même à la prétention au droit.
Il s’achève là où le système lui-même vacille,
et où le juriste refuse de forcer ce qui ne peut plus être contenu.
Ce n’est pas une échappatoire.
C’est une éveil.
Ce n’est pas une impasse.
C’est le commencement — d’une véritable quête de droit.
Conclusion
Le droit véritable ne s’achève ni dans la règle, ni dans le verdict.
Il ne se mesure pas à la rectitude d’une procédure, ni à la logique d’un syllogisme.
Il commence — réellement — là où les mots manquent,
là où la structure chancelle,
là où le juriste, lucide, refuse d’ajuster la réalité à un moule qui ne la contient plus.
Penser le droit, c’est accepter cette faille.
C’est habiter la frontière.
C’est nommer l’écart — non pour le combler, mais pour y inscrire la responsabilité.
Car ce n’est qu’en reconnaissant les limites du système
que la pratique juridique retrouve son humanité.
Le Penteract ne donne pas de réponses définitives.
Il offre un cadre pour penser autrement,
voir plus largement,
et agir avec justesse — jusque dans le doute.
C’est là que le droit, enfin, devient espace de vérité.
STRATÉGIE, ANGLE D’APPROCHE & PERSPECTIVE
La dimension stratégique au sein du modèle du Penteract
I. Stratégie
La stratégie constitue l’une des cinq dimensions de notre cadre de pensée juridique.
Elle pose cette question essentielle : comment aborder ce dossier — à court terme, mais aussi dans la durée ?
Cette conception s’inscrit dans la lignée d’une tradition juridique belge incarnée par des auteurs tels que Karel Rimanque, qui rappelait que les choix juridiques ne sont jamais purement techniques : ils sont toujours pris dans un champ de forces institutionnelles et sociales.
Agir stratégiquement, c’est dès lors aussi se positionner éthiquement, au sein du droit.
Walter van Gerven insistait sur le rôle actif du juriste dans un univers juridique multicouche, où la clarté, le timing et la finalité guident l’action juridique.
Koen Lenaerts, président de la Cour de justice de l’Union européenne, souligne quant à lui que la recherche du droit dans les systèmes superposés (multilayered) exige du juriste qu’il navigue stratégiquement entre hiérarchie des normes, équilibres institutionnels et attentes contextuelles. Chaque jugement s’inscrit dans un dialogue plus vaste.
De son côté, Juliane Kokott, avocate générale près la CJUE, a rappelé dans de nombreuses conclusions que la formation du jugement juridique ne peut jamais être abstraite du contexte, du moment et des équilibres institutionnels. Sa lecture du droit part toujours d’un positionnement stratégique délibéré dans des structures juridiques superposées.
Enfin, Miguel Poiares Maduro, également ancien avocat général auprès de la CJUE, affirmait que tout acte juridique est situé stratégiquement dans un champ de tensions entre institutions, valeurs et attentes sociales. Il appelait à une conscience accrue des implications normatives de chaque interprétation, de chaque position.
Parmi les choix stratégiques possibles :
– engager ou éviter une procédure,
– négocier ou différer,
– privilégier la discrétion ou la visibilité,
– accélérer ou ralentir le tempo.
II. Angle d’approche
L’angle d’approche est un choix concret, opéré au sein de la dimension stratégique.
Il détermine la modalité d’intervention :
🔹 Anticipatif → en amont de tout conflit (conseil, structuration contractuelle, analyse de risque)
🔹 Médiateur → en situation de tension, sans contentieux ouvert (négociation, règlement, concertation stratégique)
🔹 Curatif → une fois le différend constitué (défense, procédure, limitation du dommage)
L’angle d’approche, c’est la manière dont on se positionne sur l’axe stratégique.
La stratégie est le trajet. L’angle d’approche, l’orientation dans ce trajet.
III. Perspective grand angle
La perspective grand angle ne désigne pas ce que l’on fait, mais comment on regarde.
Chez Peeters Law, aucun dossier n’est isolé de son contexte.
Nous tenons compte de :
– la langue,
– les strates culturelles,
– les rapports de pouvoir,
– les structures normatives,
– et de tout ce qui, sans être strictement juridique, influe sur le sens et l’effet du droit.
Cette ouverture du regard, nous l’appelons perspective grand angle —
une approche que le juriste belge Henri Swennen a nommée explicitement dans sa contribution au Liber Amicorum Karel Rimanque.
Il y décrit à quel point la réflexion juridique a besoin d’un élargissement du champ visuel,
où le juriste ne se concentre pas seulement sur le centre normatif,
mais regarde également les marges du champ juridique.
Ce n’est pas une métaphore facile, mais une analogie rigoureuse avec l’optique et la logique :
– comme en optique, une lentille grand angle révèle davantage de la scène,
– comme en logique, la vérité se perd dès que l’on isole un fragment du tout.
Nous refusons de réduire l’analyse à un détail.
Nous regardons l’ensemble dans ses proportions.
Sans rétrécir. Sans déformer.
IV. Comment ces éléments interagissent-ils ?
Nous regardons un dossier à travers une perspective grand angle.
Nous l’analysons à travers les cinq dimensions juridiques, dont la stratégie.
Au sein de la stratégie, nous choisissons un angle d’approche: anticipatif, médiateur ou curatif.
V. Mandat et déontologie
Peeters Law s’engage à une diligence juridique rigoureuse,
non à un résultat prédéterminé.
Chaque mission est acceptée dans le cadre d’un mandat défini,
et peut être interrompue si :
– les circonstances changent de manière substantielle,
– des considérations déontologiques s’imposent,
– ou si la confiance nécessaire vient à disparaître.
Dans ce cas, nous assurons une transmission correcte du dossier,
dans le respect strict de nos obligations professionnelles.
TERRITOIRE : COMPÉTENCE JURIDICTIONNELLE & DROIT APPLICABLE
La dimension territoriale au sein du modèle du Penteract
I. Trois questions fondamentales
La dimension territoriale articule trois interrogations cardinales :
– Quelle juridiction est compétente ? (compétence internationale)
– Quel droit est applicable ? (règles de conflit de lois)
– Une décision étrangère peut-elle être reconnue ou exécutée ? (reconnaissance et exequatur)
II. Une structure portée par le DIP
Cette analyse s’organise selon les principes du droit international privé (DIP).
Bien que souvent présenté comme une discipline autonome, le DIP agit, en vérité, comme une couche de coordination surplombant le droit matériel.
Il définit quel droit s’applique, désigne la juridiction compétente, et détermine les effets transfrontaliers d’une situation juridique.
Walter van Gerven soulignait combien les systèmes juridiques superposés (multilayered) nécessitent une coordination réfléchie.
Le droit applicable, la compétence et la reconnaissance n’agissent jamais en isolement :
ils forment un enchevêtrement normatif,
dont l’efficacité dépend de la compréhension des structures, des chevauchements, et des tensions latentes.
III. Sources de l’analyse territoriale
L’analyse territoriale repose sur un faisceau de normes et de pratiques :
– les règles nationales de conflit (telles que le Code belge de DIP),
– les règlements européens (Bruxelles Ibis, Rome I et II, règlement successoral 650/2012, règlement sur les régimes matrimoniaux 2016/1103),
– les conventions internationales (notamment la Convention de Lugano et les instruments de la Conférence de La Haye),
– ainsi que sur une coopération transnationale active avec des confrères étrangers, pour la coordination de dossiers plurilingues ou multinationaux.
Le Liber Amicorum Karel Rimanque l’a justement souligné :
l’attribution territoriale des compétences n’est pas une simple question procédurale,
mais un nœud normatif où se croisent légitimité institutionnelle, accès au droit et égalité juridique.
Les règles de compétence structurent le champ du droit,
mais elles peuvent aussi, implicitement, ouvrir ou restreindre l’accès à la protection normative.
IV. Portée pratique et effets juridiques
Dans un contexte international, cette dimension peut s’avérer décisive.
Sans compétence juridictionnelle ou sans application correcte des règles de conflit,
même l’analyse juridique la plus élaborée reste sans effet concret.
C’est pourquoi l’analyse territoriale n’est jamais purement formelle.
Elle touche à :
– l’accès au droit,
– la langue dans laquelle une partie peut s’exprimer,
– la position qu’une personne occupe au sein d’un système de droits entrelacés.
Ce qui paraît, sur le papier, comme une règle claire de compétence,
est en réalité un carrefour de pouvoir, de contexte et de sens.
Dans sa thèse consacrée aux règles de conflit dans le marché intérieur, Marta Pertegás Sender a montré comment le droit international privé structure l’espace normatif.
La loi choisie, le for désigné, et les logiques de reconnaissance
ne sont pas des détails techniques,
mais des choix structurants au sein d’un ordre juridique complexe.
V. Clôture réflexive — le regard disséquant de Heyvaert
Le professeur Alfons Heyvaert (Université d’Anvers) ne considérait pas le droit international privé comme une suite de renvois techniques.
Il y voyait une zone de tension constitutive, où l’ordonnancement juridique lui-même est mis à l’épreuve.
Dans son enseignement comme dans ses écrits,
il rappelait que la compétence, le choix de loi et la reconnaissance ne vont jamais de soi :
ce sont des projections normatives,
des traductions de choix plus profonds dans un système stratifié.
Son approche dissective nous fait voir que la dimension territoriale ne se réduit pas à la formalisation d’une compétence :
elle révèle les endroits où le droit se déplace,
où la structure devient frontière,
où l’accès juridique se fait conditionnel.
Ces situations-limites du droit international privé —
là où les compétences se contredisent,
où la reconnaissance échoue,
ou où l’accès est entravé —
correspondent à ce que nous appelons, dans le modèle du Penteract, une ligne de fracture heyvaertienne.
Non pas une erreur.
Mais une délimitation.
Un moment de basculement,
où la cohérence juridique vacille,
et où le juriste est appelé à réfléchir —
à sa position,
à sa responsabilité,
à la possibilité d’un passage.
DOMAINES DE DROIT MATÉRIEL
La dimension matérielle au sein du modèle du Penteract
I. Cadre et fonction de la dimension matérielle
La dimension matérielle détermine le domaine de droit substantiel applicable au dossier.
Elle est essentielle pour cadrer correctement la problématique juridique
et appliquer avec précision les structures normatives spécifiques à chaque matière.
Chez Peeters Law, cette analyse repose sur une double structuration :
– Horizontale : selon la nature du litige (contrats, responsabilité, successions, etc.)
– Verticale : selon le niveau normatif (national, européen, international, soft law)
Le droit ne se compose pas de cases fermées.
Chaque domaine matériel opère au croisement de normes, de compétences et de cadres linguistiques.
C’est pourquoi nous structurons aussi cette troisième dimension du modèle du Penteract
avec un souci d’analyse fine — mais également de délimitation opérationnelle.
II. Complexité et stratification en pratique
Un dossier qui semble concerner une simple “location” requiert souvent :
– une coordination entre droit belge et droit espagnol,
– l’application de règlements européens,
– une traduction précise des clauses,
– et un contrôle de conformité aux droits fondamentaux.
C’est cette stratification qui détermine si l’argumentation juridique est aussi efficace stratégiquement.
Walter van Gerven le soulignait : un dossier ne naît jamais d’un isolement normatif,
mais d’une interaction entre structures.
Chaque intervention exige à la fois une stratification des couches normatives
et une interprétation située, dans une architecture complexe.
III. Délimitation de notre intervention
National, international et multilingue
Notre pratique est axée sur les dossiers transfrontaliers, multilingues et juridiquement stratifiés.
Mais nous traitons également des dossiers purement belges ou espagnols,
à condition qu’ils relèvent de nos matières centrales
et soient juridiquement pertinents dans le contexte de notre cabinet.
Règle fondamentale :
Nous intervenons uniquement dans des dossiers pour lesquels nous disposons :
– d’une expertise avérée,
– d’un mandat délimité,
– et du respect strict de nos obligations déontologiques et assurantielles.
IV. Fonctionnement : interne, collaboratif ou référentiel
Pratique quotidienne — entièrement prise en charge en interne
Peeters Law traite directement, avec pleine responsabilité, les matières suivantes :
– Droit des contrats (B2B, B2C, en ligne)
– Droit de la responsabilité (contractuelle et extracontractuelle)
– Droit du travail et statut social des indépendants
– Droit international privé (choix de for, choix de loi, reconnaissance)
– Protection des consommateurs et pratiques du marché
– Droit du bail et droit immobilier (Belgique et Espagne)
– Droit des successions et planification patrimoniale dans un contexte européen
– Droit des sociétés et des associations (Belgique)
– Analyse contractuelle multilingue et traduction juridique
– Clauses linguistiques, clauses de juridiction et précision sémantique
– Démembrement de propriété, superficie, usufruit (BE/ES)
– Structuration patrimoniale familiale en droit comparé
Dossiers en collaboration — avec partenaires spécialisés
Pour les dossiers aux intersections spécialisées, nous coopérons avec des confrères ou experts :
– RGPD et protection des données
– Droit fiscal en contexte familial ou entrepreneurial
– Marchés publics, subsides
– Droit pénal social, fraude informatique, faux documents
– Droit de la concurrence et distribution
– Urbanisme et aménagement du territoire (BE/ES)
– Détachement, documents A1, indépendants à employeurs multinationaux
– Droit disciplinaire des professions réglementées
Concernant l’urbanisme (BE/ES), nous travaillons avec des urbanistes et juristes locaux,
car cette matière dépasse le technique : elle relève d’une compétence constitutionnelle,
à l’intersection du droit public, de la politique environnementale et du droit de propriété.
Pas d’intervention directe — renvoi approprié sur demande
Pour les matières suivantes, nous assurons une orientation rigoureuse :
– Droit pénal général (violence, stupéfiants, moeurs)
– Droit d’asile et droit des étrangers
– Responsabilité médicale hors contexte assurantiel
– Notariat (actes authentiques, donations, partages)
– Saisies et procédures hypothécaires
– Droit de la famille sans composante de DIP
– Demandes sans fondement juridique ou hors de notre portée
V. Pourquoi cette délimitation ?
Cette triple distinction ne vise pas à cloisonner,
mais à rendre visible la portée de notre engagement —
et ses limites assumées.
Elle garantit :
– la qualité de notre intervention,
– la confiance de nos clients,
– et l’intégrité déontologique et assurantielle de notre cabinet.
Une délimitation claire rend le savoir-faire juridique lisible.
Nous ne plaçons pas les dossiers dans des cases,
mais dans des coordonnées : matière, capacité, contexte.
VI. Genèse et contexte des structures normatives
La répartition en domaines matériels ne relève pas d’une simple classification académique.
Elle traduit un choix normatif.
La législation qui fonde ces domaines ne naît pas dans l’abstraction :
elle prend forme à travers des travaux préparatoires,
des commissions d’experts,
des auditions parlementaires,
et une expertise académique souvent silencieuse —
aux confins du politique et du juridique.
Ainsi, le droit n’est ni neutre, ni purement formel.
Il est le fruit de décisions humaines, de structures, de tensions.
Un exemple éclairant : la réforme du droit des biens (Livre 3 du C. civ. belge).
Elle fut préparée par la Commission instituée par l’arrêté ministériel du 30 septembre 2017,
sous la direction, entre autres, des professeurs Vincent Sagaert et Pascale Lecocq.
Entrée en vigueur le 1er septembre 2021, elle vise une approche plus intégrée, souple et instrumentale de notions comme propriété, superficie ou emphytéose.
De même, la réforme du droit de la responsabilité civile (Livre 6), entrée en vigueur le 1er janvier 2025, fut pilotée par une Commission coprésidée par les Professeurs Hubert Bocken et Patrick Wéry.
Parmi les changements majeurs : une redéfinition de la responsabilité des travailleurs —
un basculement majeur dans la relation employeur/employé.
Quant à la réforme du droit des obligations (Livre 5), elle a bénéficié des apports du Professeur Britt Weyts et d’autres universitaires, qui ont insisté sur la précision sémantique, la sécurité juridique et la cohérence systémique.
Dans le champ de la responsabilité, le Professeur Thierry Vansweevelt a souligné, notamment par ses travaux sur la responsabilité médicale, que la délimitation des responsabilités est toujours un acte normatif : une position éthique face à la société, à la faute, au dommage.
Ces réformes illustrent que chaque domaine matériel est le produit actif d’un processus où les commissions, les réseaux académiques et la préparation parlementaire jouent un rôle déterminant.
Le droit s’y réécrit par strates — matérielles, procédurales, sémantiques, idéologiques.
Dans le modèle du Penteract, la dimension matérielle n’est donc pas seulement une question de contenu :
elle porte aussi un poids structurel et politique.
Elle montre où et comment le droit se forme — et par qui.
Cette conscience fait partie intégrante de notre méthode :
les domaines juridiques ne sont jamais figés.
Ils sont des constructions projetées, avec des effets, des choix, des responsabilités.
LANGUE & CULTURE JURIDIQUE
Première dimension du modèle du Penteract
Chez Peeters Law, la langue n’est pas un simple vecteur de communication.
Elle est une dimension juridique à part entière.
Elle détermine le sens, conditionne la validité des actes, oriente l’interprétation,
et s’inscrit pleinement dans la structure à travers laquelle le droit s’exprime et agit.
La langue n’est donc pas, pour nous, un élément stylistique.
Elle est un instrument analytique,
une coordonnée juridique, aussi stratégique que la norme retenue ou la juridiction compétente.
Notre méthode de travail
Dans les dossiers multilingues ou transfrontaliers, nous :
– comparons les termes-clés avec leurs versions authentiques,
– produisons des traductions juridiquement et contextuellement fondées — jamais simplement grammaticales,
– garantissons la cohérence sémantique et juridique des clauses, des attributions de compétence et des qualifications,
– et, si nécessaire, nous consultons des locuteurs natifs formés au droit — sans jamais leur déléguer la responsabilité finale.
Responsabilité et méthode
Notre approche respecte l’obligation de moyens qui incombe à l’avocat :
une analyse rigoureuse, fondée en droit et contextualisée —
sans garantie de résultat sur l’interprétation ou la force exécutoire.
Chez Peeters Law, la langue n’est pas un risque à maîtriser,
mais une ligne de force,
une composante stratégique de la structuration juridique.
Trois niveaux d’approfondissement
🔹 Sensibilité au droit comparé
Un même terme — comme « bonne foi » ou « force majeure » — peut porter des nuances spécifiques d’un système juridique à l’autre.
Nous analysons donc les concepts non seulement linguistiquement, mais aussi juridiquement et comparativement.
🔹 Logique institutionnelle du langage
Les juridictions, les notaires et les administrations utilisent chacun un registre linguistique propre.
Nous adaptons notre argumentation et notre terminologie à l’instance et à ses attentes linguistiques — non pour séduire, mais pour rester audible.
🔹 La langue comme accès au droit
La langue détermine qui peut être entendu — et qui ne l’est pas.
Elle façonne l’accès à la justice, l’autorité de l’argument juridique, et la position d’un sujet dans un dossier.
Nous traitons la langue non comme un supplément, mais comme une partie intégrante de l’analyse juridique.
FONDEMENT NORMATIF
Cinquième dimension du modèle du Penteract
La cinquième dimension du modèle de Peeters Law est celle du fondement normatif.
Elle constitue l’assise intellectuelle de tout raisonnement juridique,
le cadre dans lequel les interprétations peuvent être ancrées, testées, justifiées.
Cette dimension intègre :
– les principes fondamentaux du droit (dignité humaine, proportionnalité, égalité, bonne administration),
– la hiérarchie des sources (constitutions, traités, droit de l’Union, soft law),
– des lectures doctrinales et comparatives qui permettent d’interpréter les normes ouvertes
et d’éclairer les situations complexes.
Chez Peeters Law, chaque position juridique est située dans un système de coordonnées normatives,
à la croisée de plusieurs niveaux et sources.
Cela nous permet :
– d’inscrire les notions ouvertes (« raisonnabilité », « vie privée », « équité ») dans un cadre juridiquement vérifiable,
– d’intégrer le droit européen et international comme strates interprétatives et directionnelles,
– de signaler, à travers doctrine et droit comparé, les tensions ou lacunes du droit positif,
sans prétendre en tirer des solutions contraignantes.
Trois couches normatives
🔹 Cadre d’évaluation
→ droits fondamentaux, principes généraux du droit, jurisprudence (CJUE, CEDH, hautes juridictions nationales)
🔹 Cadre d’interprétation
→ soft law, doctrine, lectures multilayered des conflits de normes
🔹 Cadre stratégique
→ positionnement par rapport à d’autres systèmes juridiques,
→ exploration de voies alternatives au sein de l’ordre existant
⚖ Méthodologie
Notre approche est juridiquement fondée, stratégiquement assumée.
Chaque position est :
– alignée sur l’obligation de moyens de l’avocat,
– insérée dans l’ordre juridique en vigueur (national, européen ou international),
– confrontée aux limites de notre mandat, de nos obligations déontologiques et de notre assurance professionnelle.
Là où pertinent, nous faisons référence explicite aux traités, aux principes et à la jurisprudence
afin de mettre en lumière les tensions normatives —
comme celles entre autonomie individuelle et protection juridique.
Cela nous permet de formuler des avis à la fois juridiquement défendables
et humainement pertinents,
sans franchir les frontières du droit en vigueur ni du mandat confié.
Cette approche s’inscrit dans une tradition belge de pensée pluraliste et constitutionnelle,
où les structures normatives, les droits fondamentaux
et la stratégie juridique s’entrelacent pour garantir la cohérence et la légitimité du droit.
Point de rupture – La singularité heyvaertienne : la projection qui échoue
En géométrie supérieure, un penteract est un hypercube à cinq dimensions.
On ne peut pas le dessiner — seulement le projeter dans trois dimensions.
Chaque projection est nécessairement une simplification, une déformation.
Et parfois, dans une telle projection, surgit un point de rupture :
une singularité, une asymétrie, une zone où la tension interne devient si forte
que la cohérence de l’ensemble s’effondre.
Ce n’est pas une erreur mathématique.
C’est une limite structurelle du système.
Le modèle juridique du penteract fonctionne de manière analogue :
il est une projection structurée de notre manière de penser le droit —
en couches de langue, de contexte, d’ordre juridique, de matière et de fondement normatif.
Mais même ce modèle connaît sa ligne de faille,
un lieu où il cesse de fonctionner,
où la dissection n’éclaire plus, mais désagrège,
où le modèle se décompose.
Ce point de rupture, nous l’appelons : la singularité heyvaertienne.
Le modèle du Penteract a été conçu comme un cadre méthodologique destiné à accompagner le raisonnement juridique avec une précision maximale et une conscience structurelle constante.
En analysant chaque dossier à partir de cinq dimensions interconnectées —
langue et sémantique, contexte normatif, ordre juridique compétent, droit matériel applicable et principes sous-jacents —
le modèle offre une projection contrôlée de la réalité juridique.
Il agit comme un instrument de vérification interne,
prévenant les erreurs systémiques de raisonnement
et réduisant les angles morts du raisonnement juridique.
Mais tout modèle analytique suppose une certaine clôture formelle.
Et c’est précisément là, lorsqu’il est appliqué avec la plus grande rigueur,
que sa propre limite devient visible.
Lorsque le dossier, malgré une structuration correcte dans les cinq dimensions,
continue de buter sur une friction fondamentale, une asymétrie ou une dissonance morale,
ce n’est pas le modèle qui échoue.
C’est le droit lui-même qui révèle une lacune.
Ce que nous nommons la singularité heyvaertienne désigne exactement cela :
un point de projection où le cadre juridique d’organisation
se sabote, se désavoue ou devient structurellement inadéquat.
Ce point ne demande pas une interprétation plus raffinée,
mais appelle une mise en question systémique :
par une question préjudicielle, un recours constitutionnel,
ou un renvoi vers des sources supérieures de légitimité.
Elle ne prolonge pas le raisonnement.
Elle le suspend temporairement —
là où la conscience analytique prend le relais de la logique interne.
En ce sens, la singularité n’est pas une anomalie.
Elle est un élément nécessaire de toute pensée juridique intègre.
La singularité heyvaertienne marque le seuil critique d’un système :
elle n’est pas une sixième dimension en soi,
mais une faille dans la projection à cinq dimensions —
celle de la langue, du contexte, de l’ordre juridique, de la matière et du fondement normatif.
Or, tout modèle qui prétend à la totalité est appelé à rencontrer sa propre frontière.
Comme en géométrie supérieure, vient un moment où la structure se fissure,
où la projection échoue,
où une singularité apparaît :
un lieu où le système perd sa cohérence interne.
Cette fracture — que nous nommons la singularité heyvaertienne —
émerge lorsque :
– la structure normative produit une exclusion qu’elle ne peut corriger ;
– le droit se protège au détriment du juste ;
– aucune des cinq dimensions ne peut saisir l’injustice sans la réduire ou la masquer ;
– l’avocat ne peut plus plaider dans le système,
mais doit interpeller le système lui-même,
le convoquer, le suspendre, le mettre à nu.
À ce point, on quitte le modèle —
non par faiblesse, mais par nécessité.
La singularité heyvaertienne n’est pas un enrichissement.
C’est un rappel.
Le rappel que tout modèle a ses limites.
Et que penser le droit, c’est savoir quand suspendre l’outil d’analyse,
pour écouter ce que la structure ne peut plus dire.
C’est le moment où le juriste,
plutôt que de prolonger le raisonnement,
pose une question préjudicielle,
invoque le déficit constitutionnel,
ou, tout simplement — interrompt le droit.
Comme l’enseignait le professeur Fons Heyvaert :
Disséquez. Et si vous ne trouvez plus rien, posez la question de pourquoi le système est construit ainsi.
Pourquoi cette dimension porte-t-elle son nom ?
Parce qu’Alfons Heyvaert, plus que quiconque, a ramené la pensée juridique à son ossature nue —
et s’est arrêté là, pour montrer ce que le droit tait.
Non pas en tant que théorie,
mais en tant que méthode.
Non pas par éthique,
mais par dissection.
Et jamais pour enjoliver ce qui devait être vu tel quel.
Foucault pensait le pouvoir.
Kennedy politisait le droit.
Mais Heyvaert était juriste.
Avocat. Enseignant.
Il disséqua, dépouilla, et s’arrêta là.
Sa bibliographie le dit d’elle-même :
disséqué et dénudé —
sans reconstruction, sans compromis.
Cette dimension ne porte pas son nom comme un hommage,
mais comme rappel structurel :
le droit mérite aussi qu’on l’interroge dans sa prétention à la normativité.
Et celui qui ne pose jamais cette question…
prend le système trop au sérieux.
Le modèle du Penteract a été conçu par Peeters Law comme un instrument de pensée :
une structure pour analyser le droit dans ses dimensions langagières, normatives, contextuelles, matérielles et perspectivistes.
Il ne prétend pas dire la vérité.
Il offre une orientation —
pour penser stratégiquement et avec conscience.
Mais ce modèle lui-même — à l’image du droit sur lequel il réfléchit —
doit rester soumis au doute.
Car toute structuration masque aussi.
Toute structure exclut quelque chose.
Alfons Heyvaert nous rappelait que la pensée juridique ne s’arrête pas à l’analyse,
mais commence à l’inconfort qu’elle suscite.
C’est pourquoi le modèle du Penteract reste utile tant qu’il interroge.
Mais dès qu’il devient évident, il doit être démonté.
De la même manière que Heyvaert a dénudé les institutions juridiques jusqu’à l’os,
le modèle doit, lui aussi, à son heure, être désassemblé.
Non pour renier ce qu’il apporte —
mais pour faire place à ce qu’il laisse de côté.
Un modèle qui ne s’interrompt pas lui-même devient doctrine.
Et dès lors, il cesse d’être un outil de pensée :
il devient partie du problème.
Parfois, on n’apprend pas à penser en recevant une réponse,
mais en étant dérangé.
Non par répétition,
mais par dissection.
Dans le droit —
où les routines deviennent vite des règles,
et les règles, des vérités —
ce type de pensée est rare.
Mais irremplaçable.
Penser ainsi commence par cette question :
qu’est-ce que le droit, en réalité ?
Ce n’est pas un système neutre.
Ce n’est pas une technique objective.
C’est une langue.
Une structure d’exclusion, de protection, de hiérarchisation.
Une architecture de rapports sociaux présentés comme des principes.
Des constellations de pouvoir qui se parent de normes.
Le mariage, dans cette optique, n’est pas une institution romantique,
mais une distribution de droits, de devoirs et de sécurité sociale.
La nationalité, non une identité,
mais un filtre juridique.
Le droit de la famille, non un refuge pour l’autonomie,
mais l’organisation d’une inégalité.
Et le sujet de droit ?
Ce n’est pas un individu libre.
C’est une position dans un système qui décide
qui compte,
qui est audible,
et qui accède aux droits.
« Une relation n’est souvent pas personnelle, mais économique —
elle est d’abord un rapport entre patrimoines,
bien plus qu’un rapport entre personnes. »
(Liber Amicorum Heyvaert, 2002)
Penser cela,
ce n’est pas se fondre dans la répétition doctrinale.
C’est prendre position.
Contre les juristes qui voient dans le droit
un système d’ordre et de règles,
plutôt qu’un instrument de reproduction de l’inégalité sociale.
Contre la tendance à considérer le mariage
comme une alliance d’amour,
sans en nommer la dimension assurantielle.
Contre l’illusion que la nationalité est d’abord culturelle ou politique,
et non une carte d’accès juridique aux droits et à la protection.
Cette manière de penser ne rejette pas le droit —
elle le traverse.
Et elle interroge :
pourquoi est-ce ainsi ?
À qui cela profite-t-il ?
Quelles alternatives pourraient être envisagées ?
Elle ne se laisse pas guider par la loi,
mais par la faille.
Non par la doctrine,
mais par la résistance.
Et celui ou celle qui s’y confronte le sait :
c’est inconfortable.
C’est lent.
C’est précis.
« Ses cours n’étaient pas destinés à ceux qui veulent assembler.
Ils s’adressaient à ceux qui veulent démonter —
pour voir comment les choses (re)prennent place. »
(Liber Amicorum Heyvaert, 2002)
Dans notre pratique d’avocats, cette approche résonne —
avec prudence, sans mimétisme.
Mais dans chaque analyse de dossier, chaque traduction juridique, chaque tension normative,
nous sentons :
le droit n’est pas une évidence.
Il appelle la dissection.
Et une conscience éthique de ce que cette dissection met au jour.
Ainsi, dans l’analyse d’un contrat de cohabitation transfrontalier,
c’est la distinction entre fiction juridique et dépendance réelle qui s’est imposée.
Le contrat présumait l’égalité.
Mais quiconque l’observait avec le regard de Heyvaert
voyait immédiatement où l’inégalité avait été normalisée :
dans la répartition des soins, du travail, des biens, et des horizons d’avenir.
C’est dans de tels dossiers que sa méthode nous a appris —
à nous qui avons eu le privilège d’être exposés à sa pensée —
que le droit ne doit pas seulement être analysé selon la norme applicable,
mais aussi selon les dynamiques sociales et les rapports invisibles.
« Les seules relations personnelles véritablement libres
sont celles que le droit ne reconnaît pas. »
(Het personen- en familierecht ont(k)leed – Le droit des personnes et de la famille dé(c)onstruit)
Ce n’est pas une conclusion.
C’est un point de départ.
Il invite à relire,
à poser les questions qu’on préfère souvent éviter,
à chercher la clarté sans se laisser piéger par l’idéologie.
C’est cette attitude radicale, mais analytique,
qui a fait de Heyvaert un maître pour beaucoup —
une voix unique dans le paysage du droit.
Alfons Heyvaert (1936–2024)
Professeur. Avocat. Penseur. Maître.
Il n’a pas été celui qui nous a appris ce que nous savons.
Mais celui qui nous a appris où commencer :
par la question.
Par la résistance à l’évidence.
Par la dissection du droit.
Peut-être est-ce là la différence :
là où il dissequait sans relâche les structures,
je tente, quant à moi, de les relire,
de les repositionner —
non par indulgence,
mais par responsabilité.
Sa rigueur reste la source.
Mon chemin prend un détour différent.
Mais sans lui, aucun point de départ.
Note
Ce texte est rédigé dans le respect de la mémoire du professeur Alfons Heyvaert.
Il s’appuie exclusivement sur des sources publiques et sur le souvenir personnel,
sans prétendre être exhaustif ou représentatif.
Toute proposition de correction ou de complément est la bienvenue.
Cet hommage ne revendique aucune filiation intellectuelle exclusive,
mais cherche à rendre visible une reconnaissance —
pour un maître qui, alors et encore aujourd’hui,
a mis quelque chose en mouvement.
Source conseillée : Met rede ontleed, de rede ontkleed – Liber Amicorum Alfons Heyvaert, Anvers, Intersentia, 2002.
KAREN-ANNE PEETERS
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